Le culte de la bataille décisive
Au 8ème siècle avant JC, en Grèce, est apparue une pratique visant à résoudre rapidement et à moindre coût les conflits entre groupes de petits propriétaires terriens. Cette alternative à la bataille consiste en une série de campagnes visant à détruire les moyens de subsistance de l’ennemi, ce qui, s’il se prolonge, empêche les hommes de regagner leurs champs à temps.
La quête occidentale d’une bataille décisive et frontale est un facteur de supériorité par rapport aux cultures qui privilégient l’escarmouche, la razzia, le pillage et la mobilité, comme lors de la bataille de Gaugamela en 331 avant JC. Bien que les Perses aient réussi à percer la formation macédonienne, ils n’ont pas encerclé les phalanges pour les détruire, mais se sont précipités vers le camp ennemi pour le piller. En revanche, une fois que Darius était hors de portée, Alexandre s’est retourné contre la cavalerie perse pour la détruire.
Cependant, la quête occidentale d’une bataille décisive a fini par mener à une impasse. Au 20ème siècle, plus personne ne veut affronter les armées occidentales face à face, à l’exception des autres Européens. Dans les deux cas, la décision n’est ni rapide ni louable.
La recherche de la liberté
Les combattants occidentaux de la liberté sont des hommes libres, pas des esclaves. Cette liberté apporte une supériorité en termes de morale des troupes, comme on le voit avec les Grecs à Salamine en 480 av. Elle permet également de questionner le leader et de prendre des décisions collégialement, tout en favorisant la prise d’initiative.
Militarisme civique
Le modèle occidental du citoyen-soldat, caractérisé par le militarisme civique, reconnaît une grande résilience à l’Occident, de perdre des armées entières et d’en lever rapidement de nouvelles. Par exemple, lors de la bataille de Cannes en 216 av. J.-C., les Romains subissent une défaite écrasante face aux Carthaginois. Cependant, grâce à l’extension de la citoyenneté à tous ceux qui ont servi dans la légion et à l’instauration du service militaire, Rome parvient à lever une nouvelle armée.
C’est Rome qui a établi le modèle du citoyen-soldat occidental, qui comprend le droit de vote. Les conditions de service dans la légion sont codifiées par écrit, incluant des aspects tels que le salaire, la retraite et les sanctions.
Le capitalisme
Le capitalisme permet à l’Occident de produire des armes très efficacement. Les Occidentaux ont remporté la bataille de Lépante en 1571 parce que le capitalisme a permis à Venise de produire un grand nombre d’armes efficaces, à savoir des navires, sans que sa puissance ne dépende de ses ressources, de la taille du territoire ou de la population. Le capitalisme lui-même n’existe que grâce à la liberté politique et au rationalisme.
La discipline
La discipline, qui n’est pas l’obéissance aveugle, est ce qui permet aux hommes de se battre en ordre et de tenir leurs rangs. Il ne vient pas naturellement à l’homme et doit lui être inculqué à travers une longue et difficile formation.
Infanterie
L’Occident donne la primauté à l’infanterie lourde d’hommes libres inspirés de l’ancienne tradition de discipline et de collectivisme. La bataille de Poitiers en 732 illustre son efficacité contre la supériorité numérique, la cavalerie et les prouesses individuelles des musulmans. Il sera plus tard renforcé par l’utilisation d’armes à feu.
La technologie
Les Occidentaux ont pu exploiter leur domination technologique grâce à leur culture distinctive. Bien que la poudre à canon ait été inventée en Chine, ce sont les Européens qui ont réussi à développer les armes à feu à grande échelle, grâce à leur organisation économique (le capitalisme), leur liberté politique et leur tradition intellectuelle (le rationalisme) qui ont permis l’adoption et le développement de la technologie
C’est cette domination technologique qui permit à Cortes de s’emparer de Tenochtitlan en 1520-1521 malgré son importante infériorité numérique.
Enfin, l’individualisme de l’Occident permet une adaptation rapide dans tous les domaines, comme l’a démontré la bataille de Midway en 1942 où les Américains ont pu faire preuve de souplesse et d’hétérodoxie, contrairement aux Japonais qui étaient limités par leur culture rigide . Cependant, cet individualisme peut également conduire à une autocritique fréquente, qui bien que bénéfique pour améliorer les performances, peut entraver la conduite de la guerre en cours. En fin de compte, la culture occidentale permet une plus grande résilience et capacité de destruction, mais cela ne suffit pas à gagner les guerres.
Ainsi, plutôt que de glorifier notre manière de faire la guerre, il est important de retenir les avantages et les limites de notre modèle de guerre, qui s’appuie sur une gamme d’institutions sociales.