Les relations sino-africaines datent du temps de Mao Tsé-Toung, un des premiers dirigeants de l’empire du Milieu.
“Les relations diplomatiques entre la Chine et l’Afrique ont été marquées par la Conférence de Bandung en 1955, où la délégation chinoise menée par Zhou Enlai rencontra les dirigeants de pays non alignés sur les deux blocs issus du processus de décolonisation”. Dès lors, les pays africains ont reçu les soutiens politiques, économiques, technologiques et militaires de Pékin pour mener leur lutte anticoloniale et déclarer leur indépendance les uns après les autres.
“Etudier le chinois et fêter le Chun Jie à Nairobi: les instituts Confucius au service de la diplomatie publique et du soft power chinois”, Zhao Alexandre Huang, Deuxième volume – Communication interculturelle et internationale.
A travers l’Afrique, le vent de l’indépendance souffle. Selon les pays, les manières pour se libérer sont différentes. Par exemple, l’Algérie choisit la manière forte en ayant recours aux armes en 1962 quant à la Guinée elle opte (pour) une voie plus pacifique, en usant de sa voix pour voter “Non” au référendum proposé par le Général de Gaulle en 1958. Deux pays francophones, deux manières diamétralement opposées pour un même but, et bien sûr le soutien de Pékin est toujours présent.
En Algérie, la Chine a participé à l’effort de la Guerre de liberté par des moyens idéologiques inspiré du maoïsme. Pékin, a su appuyer Alger en reconnaissant son gouvernement provisoire du 20 décembre 1958. Cet effort s’est poursuivi après l’Indépendance créant une des plus fortes relations arabo-chinoises. Relation qui n’est point à sens unique à l’exemple de l’Algérie qui joue un rôle primordial dans l’entrée de la Chine au Conseil de sécurité des Nations unies en 1971 et dont nous retrouvons la stabilité encore aujourd’hui. Comme tout dernièrement, durant la pandémie de la COVID-19 où l’Algérie n’a pas hésité à prêter main-forte après l’appel de son alliée, à travers des moyens médicaux. L’on retrouve sur l’ensemble du continent africain la trace de la Chine en matière de soutien d’indépendance, toutefois cette implication n’est pas homogène. Pékin s’adapte en fonction de la région ou du pays concerné. Ces actions chinoises ne sont pas désintéressées, elles font partie d’un plan diplomatique entrepris par Zhou Enlai en 1964 lors de sa reprise du dossier onusien. Il entame alors un grand périple en Afrique, il se rend notamment en Guinée. Cela a permis de forger un large périmètre de sympathie envers la Chine et contribuer à l’implémentation de relations commerciales et diplomatiques fortes. C’est pourquoi les pays africains ont participé à la bataille diplomatique qui aboutira à la “Résolution 2758 de l’Assemblée générale des Nations Unies” du 25 octobre 1971, rétablissant les droits légitimes de la République populaire de Chine au sein du Conseil de sécurité des Nations unies. Les relations sino-africaines sont marquées par une amitié qualifiée de “frère et sœur”, une solidarité anti-coloniale et une histoire de lutte, d’indépendance vis-à-vis de toute forme d’impérialisme.
La diplomatie chinoise n’a eu de cesse de rappeler que les relations entre la Chine et l’Afrique sont des relations d’amitié, nourries par des valeurs et ambitions communes et des histoires anti-coloniales similaires. Toutes deux ont payé de lourds tribus liés à l’invasion, qui les a marqués. Ces souffrances font écho dans le cœur de l’Afrique qui elle, a dû en plus de l’invasion surmonter la colonisation, l’esclavage et la traite négrière. Elle trouve alors en la Chine une épaule compatissante.
Le XXIe siècle marque un nouveau tournant. La Chine a choisi ce moment particulier pour lancer son offensive sur le continent africain, au grand dam des anciennes puissances coloniales qui, jusqu’alors, ont pris le continent comme leur pré-carré. En 2010, la Chine publie plusieurs statistiques qui permettent de prendre fait de sa bonne santé économique. Le produit intérieur brut (PIB) a connu une croissance plus rapide que ce qui était attendu au dernier trimestre 2010. Ce qui donne un bilan en fin d’année d’une croissance à 10,3%. Avec ces chiffres, la Chine confirme son statut de deuxième puissance économique mondiale. En ce qui concerne l’Afrique, la Chine devient leur premier partenaire économique, dépassant de loin les Etats-Unis, le Canada, l’Inde ou encore la France. Tout cela grâce à cette croissance économique prolifique ainsi que cette deuxième place confirmée. (Cf. Le Figaro du 20 janvier 2011).
Cette relation dite d’amitié entre la Chine et l’Afrique a fait couler beaucoup d’encres et de salives notamment dans les milieux économiques, les cercles du pouvoir et les sphères d’influence. La majorité des critiques se focalise sur l’obstacle que pourrait représenter la Chine pour le développement du continent africain. Reprochant l’importation des matières premières par l’empire du Milieu, qui y exporte des produits manufacturés par la suite. De ce fait, est dépendante des importations de produits fini chinois, à la place de pouvoir jouir de ses ressources et produire elle-même. Cependant, la spoliation des matières premières fait depuis longtemps débat et pas seulement d’un point de vue chinois. Le politologue et ancien conseiller économique de la Banque de développement de l’Afrique Australe, le sud-africain William Gumede, vient même à juger la Chine en ces termes : “…La Chine se comporte à bien des égards comme une puissance néocoloniale”. Il remet en cause la stratégie chinoise sur le continent africain qui est avant tout une alliance d’intérêts pour l’empire du Milieu, ayant commencé par l’intérêt politique dans les années 1960 et qui s’ensuit par l’intérêt financier avec le développement de la Chine dans les années 1990. (Cf. iD4D, le 2 février 2017).
Les relations sino-africaines sont différemment appréciées selon les Think Tank, les gouvernements ou les médias, cependant les angles d’analyses sont souvent jugés partiaux par nombre d’observateurs avertis.
Cette partialité peut se retrouver également du côté chinois, dans la manière de faire taire les critiques. Pékin a su mettre en place un vaste réseau africain fait d’amitiés et d’intérêts politiques. A travers le soutien et le financement qu’il offre aux pays africains, notamment cette dernière décennie, la Chine a financé pour environ 143 milliards de dollars de projets d’infrastructures, ports, routes, aéroports, barrages, chemins de fers… Ces “amitiés” ont bien évidemment un prix quand il s’agit de soutenir la politique chinoise, d’autant sur le plan africain et la politique chinoise sur le continent que face aux instances onusiennes. Particulièrement, sur les dossiers de Taïwan, du Tibet, du Xinjiang ou de Hong Kong. Où la Chine n’admet aucune critique de ses amis africains, tendance que l’on constate lors de la 44e session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, le 1er juillet 2020 à Genève. Quarante-six pays ont signé une lettre officielle de soutien à la politique chinoise concernant les Ouïghours, dont la grande majorité sont des pays africains, les mêmes qui bénéficient de l’amitié politique et économique chinoise. (Tweet de Raphael Glucksmann du 3 juillet 2020).
La Chine, le plus grand partenaire économique de l’Afrique ?
Un article de Forbes d’août 2019 analyse les investissements chinois en Afrique et remet en question la notion du « plus grand partenaire économique ». Pour le magazine économique américain, l’investissement chinois en Afrique est beaucoup plus faible par rapport aux pays européens. Toujours selon Forbes, il « est plus juste de dire que la Chine est en train de rattraper son retard en matière d’investissement direct étrangers vers l’Afrique à un niveau proportionnel à sa taille économique et à ses liens politiques à long terme avec la région africaine ». Trois ans plutôt, le Cabinet de conseil McKinsey & Company a publié un rapport sur les investissements chinois en Afrique. Les conclusions de ce dernier viennent démentir celle du magazine Forbes : « deux décennies, la Chine est devenue le partenaire économique le plus important de l’Afrique. En ce qui concerne le commerce, l’investissement, le financement des infrastructures et l’aide, aucun autre pays n’a une telle profondeur et une telle ampleur d’engagement en Afrique. Les « dragons » chinois – des entreprises de toutes tailles et de tous secteurs – apportent des investissements en capital, un savoir-faire en matière de gestion et une énergie entrepreneuriale dans tous les coins du continent. Ce faisant, ils contribuent à accélérer les progrès des économies africaines » (page 1).
Nul besoin d’entrer dans une querelle de chiffres et de statistiques, d’autant plus que les Chinois ne sont pas très transparents sur le volume et les flux d’investissement de leurs entreprises sur le continent africain. En juin 2019, à la clôture de la réunion post-forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC), organisée à Pékin, Amadou Ba, ministre sénégalais des Affaires étrangères, confirmait que la Chine est un des plus grands partenaires économiques du continent. Il a indiqué aux micros des médias officiels de la République populaire de Chine « la réalité des chiffres » : 10 000 km de routes, 6 000 km de voies ferrées, 30 ports, 20 aéroports et 80 centrales électriques ont été réalisés, au cours de la dernière décennie, par des firmes chinoises à travers le continent. Sans oublier les 150 projets de stades, centres de conférences et autres sièges de Parlement.
De Nairobi à Dakar, d’Abidjan à Djibouti, les investissements chinois en Afrique sont visibles et se passent de commentaire. Selon un article du Monde du 8 janvier 2020, les échanges commerciaux entre la Chine et l’Afrique en 2018 ont dépassé les 204 milliards de dollars.
La Chine-Afrique, un risque de dépendante élevé
En 2018, alors que les investissements chinois en Afrique vont crescendo, la dette de l’Afrique subsaharienne avoisine les 40 % voire plus de 100 % du PIB de certains pays. La même année, le FMI et la Banque Mondiale s’en étaient même inquiétés. A Addis Abeba au printemps 2018, l’ancien secrétaire d’Etat Rex Tillerson avait directement accusé Pékin d’une stratégie de mise en coupe délibérée : « le modèle de financement est fait d’une telle manière que lorsque le pays a des difficultés financières, il perd le contrôle de ses propres infrastructures, de ses propres ressources ».
Toutefois, cette dépendance peut aller dans les deux sens. Comme on le constate avec l’article du Monde du 5 février 2018 au sujet de la tension Djibouti-Chine. Car pour une fois, un pays africain a su d’une certaine manière remettre en cause l’assurance chinoise en ses investissements, notamment sur deux contrats négociés par la China Civil Engineering Construction Corporation (CCEC) datant de 2015. Dans un climat tendu entre les deux pays, lesdits contrats ont été brutalement remis en cause. Ce qui démontre que rien n’est vraiment acquis pour les entreprises chinoises.
Voici, le contexte sur lequel planche l’article. Djibouti, étant un point de transit stratégique, la Chine y implante une base militaire en plus des investissements (à hauteur de 11 milliards d’euros) et du partenariat stratégique. Djibouti permet ainsi à la Chine d’avoir accès à un port militaire dans la zone de l’Afrique de l’Est. Cette zone est d’autant plus stratégique pour le transport des matières premières que l’évacuation de ses ressortissants en cas de crise. Cependant, la Chine se rend vite compte que maîtriser les réalités du terrain n’est pas chose aisée dans cette zone animée de corruptions et de conflits politiques. Le partenariat se fragilise de plus en plus. D’un côté Pékin, qui pensait détenir le monopole des marchés djiboutiens se sent trahi par l’ouverture du pays à d’autres partenaires. De l’autre, Djibouti, se plaint que l’attitude hautaine des Chinois et le non-respect de certains accords notamment sur le nombre de soldats chinois dans le pays, plus nombreux que prévu. (Cf. Le Monde du 5 février 2018).
Aujourd’hui, nous pouvons redouter une Chinafrique plus dévastatrice, plus subtile et plus déstabilisante pour les régions de l’ouest du centre.
Finalement, cette relation sino-africaine est une relation de prédation des ressources. La Chine établit son réseau, le “guanxi” comme il est nommé là-bas, un savant mélange d’amitié politique, relations d’affaires et personnelles. Le tout s’entretient à force de rencontres et de cadeaux.
Pékin a su avancer intelligemment ses pions, et se permet de rappeler son emprise sur le continent à ses détracteurs. Comme l’a notifié Yang Jiechi, diplomate et membre du bureau politique du Parti communiste chinois en décembre 2019 : “ceux qui tentent de semer la discorde entre la Chine et l’Afrique ne trouveront aucun public en Afrique” et que “ceux qui tentent de saper l’amitié traditionnelle entre la Chine et l’Afrique ne feront qu’échouer”. Il se permet de rappeler aussi l’influence que la Chine gagne à travers ses nouvelles “routes de la soie” qui compte comme partenaire 44 pays sur le continent africain. Partenaires qui bénéficient donc des largesses chinoises et de sa reconnaissance éternelle. (Journal Le Monde, “Pékin ne tolère aucune critique et entend le rappeler à ses amis africains”, paru le 8 janvier 2020).
La Chine, comme on a pu le constater, a su intervenir pour des raisons idéologiques, politiques et diplomatiques en Afrique dans les années 1960. Aujourd’hui, cette relation entre la Chine et les pays africains s’étend aux domaines économique, industriel et social, de manière à établir un modèle économique et industriel propre au “made in China” sur le continent africain. Le soi-disant “amitié sino-africaine” semble être devenu une rhétorique idéale pour Pékin de conceptualiser ses ambitions expansionniste en Afrique.
Pour conclure, tous ces éléments nous permettent de nous rendre compte, que le continent africain sert les desseins d’expansionnisme et de croissance chinoise, à défaut il ramasse quelques miettes qui lui permettent de sentir un semblant de gain. Toutefois l’aide chinoise à l’Afrique est bien faible par rapport aux besoins réels du continent afin d’atteindre les objectifs du Millénaire. Quand la Chine s’engage à construire cent écoles sur l’ensemble de l’Afrique, la réalité est qu’il y a besoin de centaines d’écoles par pays.