L’influence militaire française

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Les Armées françaises s’engagent au service de la Nation, dont elles détiennent leur légitimité, à la défendre ainsi que ses intérêts.

Dans le cadre de l’accomplissement de cette mission, il est impératif pour les Armées d’informer de leurs actions la Nation et les partenaires, les promouvoir, trouver la ressource pour les réaliser, assurer le dialogue avec les partenaires nationaux et étrangers, mais aussi se prémunir d’une action extérieure qui pourrait entraver la juste perception de la mission par l’opinion publique. L’activité combattante est ainsi complétée des activités d’information et de communication. 

Le ministère des Armées (ou MinArm) s’est doté de plusieurs entités répondant à des enjeux de communication multiples.

La Délégation à l’information et à la communication de la Défense (DICoD) est, outre le ministre, sur le territoire national, la voix principale du monde militaire à destination du monde civil. Sa mission consiste en l’explication de celles des Armées, de la politique générale de défense française et entretenir le lien avec la société civile. L’enjeu pour le MinArm étant de communiquer de façon pédagogique sur l’état de l’action militaire, les besoins matériels et humains nécessaires à son fonctionnement et s’assurer de l’intérêt porté au fait militaire. Elle est ainsi le chef de file du rayonnement de l’institution auprès des acteurs institutionnels, des médias et du grand public.

Pour porter le message des Armées, elle s’est ainsi structurée en plusieurs pôles, dont 3 opératifs:

  • Création, en charge de réaliser et communiquer le matériel informationnel destiné au grand public.
  • Influence, chargé de la gestion de la relation média avec la presse, les influenceurs, correspondants institutionnels et relais d’opinion. Mais aussi du lien avec le monde culturel, grâce à son centre dédié au monde audiovisuel et industries créatives, en fournissant l’expertise opérationnelle recherchée.
  • Alerte-Analyse-Opinion, soit 4 champs d’action: l’alerte veille média, l’analyse média, l’analyse de l’opinion et la veille analyse. Le pôle est en charge de décrypter l’actualité de défense dans l’espace informationnel et social. Il élabore des alertes et analyse la perception par les médias des sujets portés par le ministère. Il conduit également des consultations et des enquêtes d’opinion sur les problématiques de défense. 

Dans le but d’alimenter sa réflexion stratégique et stimuler l’innovation, un DICoD Lab a été créé et teste de nouveaux canaux et supports de communications.

La DICoD propose chaque année des postes en apprentissage en veille et analyse au sein de ses pôles Influence et AAO-

L’ensemble des actions de communication de la DICoD, mais aussi des différents Service d’information et de relations publiques des armées (SIRPA), contribuent au rayonnement de l’institution. Soit la capacité à porter le message des Armées, susciter l’intérêt pour la sphère militaire et générer une perception positive des parties prenantes.

Lorsque ce rayonnement a pour objectif de toucher des publics plus spécifiques hors des frontières nationales (opinions publiques dans le cadre d’une opération de sécurisation et de maintien de la paix, autorités locales, forces de sécurité, partenaires économiques, …) d’autres entités sont alors mobilisées. L’appui à la capacité de projection sécuritaire et économique apporte ainsi une autre forme de rayonnement. 

La Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS), organe du MinArm agissant en concertation avec le Ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères (MEAE), est le point de contact français des relations bilatérales et de l’action multilatérale. Il planifie la représentation militaire française et conduit l’action locale au contact des partenaires étrangers par le biais de ses différents officiers de liaison. Les Missions de Défense sous sa tutelle sont le premier échelon d’influence locale et se révèlent être d’indispensables plots d’intelligence territoriale grâce à leurs remontées terrain. La DGRIS pilote en outre les actions de formation auprès des forces de sécurité étrangères, ainsi que l’accueil des étrangers en formation en école militaire française, véritable levier d’influence auprès des cercles sécuritaires étrangers permettant de favoriser des interactions futures.

L’entreprise publique Défense Conseil International (DCI) est l’opérateur de la promotion du savoir-faire français en instructions et technologies de défense, en lien avec le ministère. Les formations dispensées et les matériels délivrés participent directement à l’influence militaire française, l’adhésion des publics clients et leur reconnaissance de la qualité française étant un facteur de sympathie vis-à-vis des Armées et de la France.

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Mais l’influence militaire peut revêtir un aspect plus offensif lorsqu’il s’avère nécessaire d’agir sur l’environnement d’une opération (cf carte heuristique supra). Toute opération, aussi justifiée puisse-t-elle être, nécessite de remporter l’adhésion des bénéficiaires et donc s’assurer de leur bonne perception de la réalité de la mission. L’instrumentalisation de populations et d’informations afférentes à l’opération étant une coutume séculaire et universelle, la mission informative et de lutte informationnelle est ainsi dévolue à plusieurs centres et directions spécialisés. 

L’influence militaire dans ce cadre se compose d’un ensemble d’actions produisant des effets directs et indirects sur la perception de l’opération par des auditoires-cibles. L’objectif étant d’agir dans les champs psycho-cognitifs en proposant un narratif incitatif, à même d’induire une modification comportementale ou de représentation des auditoires-cibles et éliminer tout risque réputationnel pour l’opération. Pour procéder, une analyse de l’environnement est conduite, de façon itérative, et permet de discriminer les publics selon leur niveau d’adhésion ou de contestation de l’opération. Ce ciblage permet l’identification de relais d’opinion, la caractérisation du soutien ou de la menace qu’ils revêtent, de mener une veille de cette menace et, par anticipation de son accentuation, de développer du matériel informationnel afin de lui opposer un contre-narratif viable et persuasif. Bien souvent concentrées dans l’espace informationnel, ces actions sont aussi coordonnées à l’action civilo-militaire menée dans la sphère sociale.

Si la réalité de la lutte informationnelle semble être admise au vu de l’hybridité des moyens d’actions des récentes crises, la capacité opérative française dans le domaine de la cognition souffre de limites structurelles et conceptuelles, malgré un potentiel certain du pays pour de futures synergies entre acteurs étatiques, économiques et universitaires.

  

@ Quand y'a un doute, y'a pas de doute