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Interview métier de l’IE avec Arnaud Pechenot-Paillot

L'interview des métiers de l'IE avec Arnaud Pechenot-Paillot

L'interview des métiers de l'IE avec Arnaud Pechenot-Paillot

Temps de lecture : 9 minutes

Afin d’accompagner les différentes fiches métiers de l’IE, découvrez le parcours et plus concrètement les différents métiers qui ont amené Arnaud Pechenot-Paillot à devenir consultant en développement économique et Intelligence territoriale et blogueur d’Intelligence territoriale.

Bonne lecture !

Sa définition de l’intelligence territoriale pour notre lectorat plus ou moins familie

L’Intelligence territoriale est l’application de la discipline de l’intelligence économique au service des territoires. Elle se traduit par l’organisation innovante, mutualisée et en réseau, de l’ensemble des informations et connaissances utiles au développement, à la compétitivité et à l’attractivité d’un territoire. 

Les enjeux de la mise en place d’une démarche d’intelligence territoriale sont multiples :

Il s’agit donc de préserver ou d’accroître le tissu économique du territoire : c’est pleinement le rôle des collectivités territoriales dans le cadre de leur compétence de « développement économique » avec l’appui de l’ensemble des partenaires.

Le parcours d’Arnaud Pechenot-Paillot

J’ai un parcours plutôt atypique. Je ne voulais pas faire des études au départ. 

Issue d’une famille d’agriculteurs, je suis un pur produit industriel. À partir de la licence, je me suis orienté vers la voie de l’alternance afin d’être plus près du terrain avec une licence en maintenance industrielle et un master en management de la Qualité, Sécurité et Environnement. J’ai réalisé ces 3 années un apprentissage en tant que responsable maintenance au sein d’une entreprise d’emballage pharmaceutique en verre. Par la suite, j’ai souhaité continuer vers un mastère spécialisé en Intelligence économique et management des connaissances. 

Suite à ce parcours universitaire, j’ai rejoint l’AFNOR Normalisation pour travailler sur l’influence des normes techniques sur la compétitivité des entreprises et des territoires. 

Ensuite, j’avais pour idée de créer une entreprise. De ce fait, afin d’être confronté aux problématiques des chefs d’entreprises, j’ai donc rejoint une Chambre de Commerce et d’Industrie en tant que conseiller en développement des entreprises dans le but d’accompagner les entrepreneurs dans l’ensemble des phases de la vie de leur entreprise. Puis, j’ai poursuivi dans une agence de développement économique pour amplifier les liens entre les entreprises et le monde académique et de la recherche.

Suite à ces expériences, j’ai rejoint en 2020 la start ’up Economie & Territoire, acteur de la data au service des territoires pour les collectivités, en proposant une solution « prêt à l’emploi »  : l’Atelier économique. 

Consultant en développement économique et consultant en Intelligence territoriale : Rôles

De manière générale, ma principale mission est le déploiement de l’Atelier économique. C’est une solution globale et évolutive au service de l’amélioration économique des territoires. Il se présente à la fois comme :

Ses derniers travaux réalisés et problématiques liées

Je réalise plutôt un travail de structuration des données et une contribution à l’enrichissement des fonctionnalités du CRM selon les besoins. Mes outils sont tout d’abord les données (open data, data des collectivités). Avec la stratégie d’ouverture de nombreuses données par les institutions, la donnée devient accessible à tous. 

Par contre, les difficultés sont de les maintenir à jour, de les croiser entre elles et de les exploiter intelligemment dans un objectif bien défini afin d’apporter une valeur ajoutée à nos clients. 

Quelques exemples des derniers travaux réalisés : 

  1. La crise économique liée à la Covid-19

Durant la période du premier confinement (au printemps 2020), j’ai proposé sept indicateurs afin de mesurer l’impact du confinement sur chaque entreprise du territoire. Ces indicateurs ont permis d’identifier les entreprises les plus vulnérables afin qu’elles soient accompagnées en priorité par les collectivités avec la mise en place d’aide telle que les fonds Résilience.

  1. La structuration de filières économiques d’un territoire 

J’ai également proposé la structuration de 24 filières (agriculture, automobile, électronique, commerce, numérique, culture, etc.). Une filière désigne l’ensemble des activités complémentaires qui concourent, d’amont en aval, à la réalisation d’un produit fini. Chaque territoire peut trouver que les entreprises présentent sur son territoire pour chacune de ces filières afin de favoriser la collaboration entre entreprises. Ce travail est disponible directement dans notre solution pour nos clients. La structuration de la filière commerce permet par exemple d’accompagner les collectivités dans les projets de revitalisation des centres-villes en appui aux programmes Petites Villes de Demain (PVD) et Action Cœur de Ville (ACV).

Ses missions au sein d’Économie & territoire

J’accompagne la commercialisation et la mise en place de notre solution chez les clients. Je m’occupe également de former et de répondre aux différentes problématiques d’avancées économiques des collectivités en s’appuyant sur les données et les fonctionnalités disponibles sur notre observatoire économique.

Ma mission consiste à promouvoir l’impulsion technologique de l’Atelier économique afin qu’il réponde aux différents enjeux de territoires en matières d’exploitation des données et de déplorer de fonctionnalités structurantes pour l’essor économique. L’objectif final pour moi est d’en faire un vrai outil d’intelligence territoriale. 

Le site web Intelligence Territoriale : Constats et motivations

Le site web de l’Intelligence Territoriale

Suite à mes missions au sein d’une Chambre de Commerce et d’Industrie, j’ai été marqué par la vision assez limitée de l’essor économique, où l’information stratégique était peu exploitée dans la croissance des entreprises et des territoires. C’est à partir de ce constat que j’ai commencé à poser mes réflexions et chercher un moyen de structurer ma vision du sujet. J’ai trouvé qu’un site internet était un bon support pour cela, grâce à sa flexibilité.

Sa définition des différentes notions liées à l’IE et Intelligence économique territoriale

À partir des définitions présentées ci-dessous, nous comprenons alors qu’il s’agit donc de préserver et/ou d’accroître le tissu économique du territoire auxquels s’associent des administrations nationales, des collectivités locales, des universités, des centres de recherche, etc. Le but étant de travailler ensemble dans un objectif commun, d’impulser des projets créateurs d’emploi et de richesses.

L’information

L’information est au cœur de l’intelligence territoriale. Je pense qu’il faut voir l’intelligence territoriale comme un processus. Le but est de collecter des informations brutes afin de les transformer en informations façonnées, qui vont devenir exploitables pour toute organisation publique ou privée dans le but d’améliorer sa compétitivité et/ou son attractivité. 

La veille

La première étape dans la maîtrise de l’information est la veille. Elle vise à collecter l’information fiable et de qualité dans le but d’observer et d’analyser l’environnement scientifique, technique, technologique, commercial et économique des entreprises et du territoire afin de détecter les menaces et les opportunités de développement.

Pour cela, il est possible de s’appuyer sur : 

La défense des intérêts économiques des territoires

La seconde étape est la défense des intérêts économiques des territoires. Ce volet défensif consiste à protéger les savoirs et les savoir-faire des entreprises ou d’un territoire par différents moyens. 

L’influence

La dernière étape est l’influence, autrement appelée l’attractivité territoriale. L’attractivité d’un territoire peut être définie comme sa capacité à attirer des ressources spécifiques (entreprises, infrastructures, population, etc.) provenant de l’extérieur ou à retenir celles du territoire remis en compétition avec l’extérieur. 

Il s’agit alors de préserver et/ou de faire progresser le tissu économique du territoire auxquels s’associent des administrations nationales, des collectivités locales, des universités, des centres de recherche, etc. Le but étant de travailler ensemble dans un objectif commun, de maintenir ou  d’enrichir des projets créateurs d’emploi et de richesses.

Sa vision de la place de l’Intelligence territoriale parmi les démarches, outils et méthodes impulsés en France

La démarche est encore embryonnaire dans les territoires, mais cela va dans le bon sens. La Covid-19 a révélé que bien souvent les territoires ne disposaient pas des informations nécessaires pour agir dans les meilleures conditions en cette période de crise. Aujourd’hui, je vois de plus en plus de collectivités qui souhaitent pallier ce manque par la mise en place d’un observatoire économique afin d’accompagner les développeurs économiques dans l’appui aux entreprises, mais aussi les décideurs territoriaux afin de construire la stratégie pour leur territoire. Cependant, la mise en place d’un observatoire n’est que le début d’une démarche d’intelligence territoriale dans le but de mieux connaître son champ de travail. Il faut ensuite exploiter ces informations intelligemment dans l’objectif d’anticipation et d’expansion du territoire.

Ses recommandations, pour une meilleure souveraineté économique de la France

Tout d’abord, il faut déjà définir une vision de la France et la partager à l’ensemble de nos acteurs publics et privés et aux concitoyens. Car aujourd’hui, nous ne savons même plus quel modèle de société nous avons et surtout lequel nous souhaitons construire. Et sans but précis et défini, une nation régresse.

La crise de la Covid-19 a révélé de nombreuses défaillances de notre souveraineté sur de nombreux domaines qui sont intolérables par rapport aux garanties que doit apporter l’Etat à ses concitoyens. En temps de crise, nous savons bien que nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes. 

Être souverain, c’est n’être dépendant d’aucune autre nation pour subvenir à la survie, à la protection de la population et à la défense des intérêts français. Donc, il est primordial d’avoir la maîtrise sur de nombreux secteurs stratégiques comme : 

L’Etat français est très présent sur l’ensemble des secteurs que ce soit en tant qu’acheteur, actionnaire, financeur. Il devrait plus imposer des règles garantissant la souveraineté et le retour de l’argent dépensé dans la création d’emploi, de richesse et des retombées fiscales sur l’ensemble du territoire français. De ce fait, il faudrait recréer un « vrai ministère » de l’industrie avec une stratégie industrielle française à long terme. 

« L’industrie a été pour moi, ce qui a été de plus formateur ». Récréer des centres de formation dédiés à l’industrie. Le secteur manque cruellement de main-d’œuvre et de cerveau d’œuvre. Alors, la réindustrialisation de la France ne pourra pas s’effectuer sans le développement des compétences.

Il y a également une nécessité d’établir un changement de mentalité entre les clients et les fournisseurs. Les grandes entreprises françaises considèrent souvent les fournisseurs comme de simples exécutables, au lieu d’en faire un réel partenaire industriel afin de créer de la valeur ensemble. À force de chercher uniquement à baisser les prix, les fournisseurs ne peuvent investir dans les capacités de production, dans l’innovation ou dans l’humain… Même, les acheteurs peuvent mettre en péril leur propre compétitivité, en ne prenant pas en compte les coûts cachés (qualité, délais, etc.).

Dernier point, pour que la souveraineté soit la plus complète, elle doit se jouer à tous les niveaux et avec la participation de tous : 

Business to Administration

Premièrement, l’Etat et toutes les institutions, collectivités et organisations financées de près ou de loin devraient intégrer dans la commande publique :  privilégier au maximum des produits et des services fabriqués en France, même si le coût est légèrement supérieur. Quand on y intègre l’ensemble des retombées cachées (emplois, fiscalités) et les coûts cachés (sociaux, environnementaux, etc.), nous créerons de la richesse sur l’ensemble du territoire et nous pourrons être gagnant, même avec un surcoût d’achat.

Business to Business

Deuxièmement, les entreprises françaises de toutes tailles devraient favoriser les produits et services français dans leur politique d’achat. Si elles intègrent l’ensemble des coûts cachés (défaut de qualité, rupture d’approvisionnement, réactivité, perte d’innovation et de valeur ajoutée, etc.) dans leurs achats, il serait bien souvent plus avantageux pour elles, même financièrement, de jouer la carte du « fabriqué en France ».

Business to Customer

Dernièrement, « les consommateurs et citoyens » devraient essayer de favoriser les produits et services français. Quand nous achetons à l’étranger, nous enrichissons d’autres territoires et privilégions leurs propres développements au détriment du nôtre. Chaque consommateur-citoyen n’a pas forcément la possibilité de privilégier en permanence « le made in France », en raison du surcoût d’achat et de ses revenus. Mais si les Français privilégient plus la carte française, quand ils le peuvent, sur leur manière de consommer, l’ensemble des parties prenantes du territoire seraient gagnants. Cela soutiendrait des actions bénéfiques pour le développement économique, l’équité sociale et l’impact environnemental sur l’ensemble du territoire français.

Pour conclure, je pense que la France a tout ce qu’il faut pour relever les défis de demain, à condition de recréer un projet français, d’orienter correctement l’argent des Français et d’y mettre une vraie volonté à tous les niveaux pour refaire de notre souveraineté une priorité, qui ne pourra être que bénéfique pour tous les territoires et les Français.

Pour en savoir plus : 

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