Richard Stallman, fondateur des logiciels libres, était l’invité de Moobicoop pour un débat autour des plateformes coopératives libres. Face à lui Bastien Sibille, président de Mobicoop qui est une coopérative de mobilité collaborative offrant des services de covoiturage et bientôt d’autopartage et de mobilité solidaire. Cette visioconférence s’est déroulée le 4 février 2021 et a été animée par Fabien Benoit, journaliste et réalisateur.
La prolifération des logiciels libres y compris dans le secteur de l’intelligence économique a suscité notre intérêt pour cette conférence-débat.
Des logiciels libres, garants de libertés
Au début, Richard Stallman fit un rappel historique et chronologique du logiciel libre, notamment en rappelant que ce mouvement, autour des logiciels respectant la liberté des utilisateurs, fut initié en 1983. A la suite de quoi il a créé, en 1988, l’Open Software Foundation afin de promouvoir mondialement la liberté informatique dans le respect de la vie privée.
Après avoir passé en revue plusieurs événements iconiques de l’apparition et du développement des logiciels libres, une divergence de points de vue entre les débatteurs a émergé. Faut-il privilégier l’anonymat et la liberté ou les services offerts par les plateformes coopératives ? Ces dernières se définissent comme des associations d’individus unis instaurant une propriété collective avec un contrôle démocratique. (Patricia Toucas-Truyen)
Richard Stallman défend l’idée selon laquelle les plateformes coopératives doivent respecter la liberté de leurs clients en interrompant la collecte et l’analyse de données des utilisateurs. Pour lui, l’anonymat constitue une valeur essentielle dans notre société, il va même jusqu’à dénoncer les agissements, jugés non éthiques d’après lui, de grandes entités capitalistes comme Apple, Uber et d’autres…
Ce dernier affirme qu’il ne faut jamais faire confiance aux plateformes dans l’usage qu’elles effectueront avec nos données. Avec ces procédés, il est presque inévitable que des informations soient collectées, vendues et surtout mal utilisées. De ce fait, il faut, selon lui, éviter de récolter des données et promouvoir plutôt l’anonymat et les libertés des utilisateurs. Richard Stallman va même jusqu’à comparer les logiciels libres à la devise de la République française « Liberté, Égalité, Fraternité ».
Une approche démocratique
Bastien Sibille tente quant à lui d’apporter une vision éthique et démocratique des plateformes coopératives. Il s’agit d’une gouvernance ouverte pour l’ensemble des utilisateurs concernés par leurs données. Selon lui, les individus ont besoin de serveurs centraux, qui eux ont besoin de gérer des données pour être efficace. Bastien Sibille fonde sa confiance sur la démocratie qui, d’après lui reste toujours pérenne dans ses dispositions éthiques. Cela évite qu’un petit groupe puisse prendre de mauvaises décisions. L’objectif étant de définir ensemble, à quel point les individus veulent dévoiler leurs données personnelles.
Le président de Mobicoop va même jusqu’à parler d’obsolescence des logiciels libres dans la conception définie par Richard Stallman. Il propose une cinquième liberté fondamentale, l’ouverture de la gouvernance des projets libres, en plus des libertés d’utiliser, de copier, d’étudier et de modifier le logiciel. Cependant cette idée a été totalement rejetée par Stallman.
Une divergence d’opinion
Aucun consensus ne s’est dégagé de ce débat entre logiciels libres et plateformes coopératives. Richard Stallman, qui défend fermement sa position selon laquelle la liberté est fondamentale, ne souhaite pas que les données personnelles soient confiées à une plateforme même libre et gouvernée démocratiquement.
Cet échange a encore mis en avant la nécessité de distinguer les logiciels libres et les logiciels open source même si dans la réalité ces deux expressions sont utilisées indifféremment. Les premiers sont régis par une idée philosophique quant aux seconds, ils mettent l’accent sur l’aspect technique.
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