Citizenfour, l’histoire d’Edward Snowden

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Citizenfour traite de la surveillance mondiale généralisée et retrace l’histoire d’Edward Snowden de Hong Kong à Moscou.

En janvier 2013, Laura Poitras a reçu pour la première fois un e-mail anonyme signé « Citizenfour », le nom de code que s’était donné Snowden. Il y explique qu’il propose de rendre publique une grande quantité d’informations sur les pratiques de surveillance illégales de la NSA et d’autres agences de renseignement. Poitras travaillait déjà sur un film traitant des programmes d’écoutes américains à la suite des attaques du 11 septembre.

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Avec le journaliste d’investigation Glenn Greenwald et un reporter du Guardian, Ewen MacAskill , elle se rend à Hong Kong pour filmer la rencontre avec le lanceur d’alerte qui se révèle être Edward Snowden. Ils se rencontrent plusieurs fois sur une période de huit jours dans une chambre de l’hôtel Mira à Hong Kong.

Plus qu’un documentaire, le film ressemble à un reportage au cœur des évènements. En effet, tout semble se dérouler en temps réel devant la caméra et on se sent telle une petite souris, en pleine intrusion dans un moment historique de grande ampleur. C’est donc une formidable mise en abyme qui nous est proposée. Edward Snowden n’est à la base qu’un simple informaticien. Et pourtant, en 2013, il extrait des documents secret-défense de la NSA, qu’il transmet à des journalistes. Ces documents révèlent les méthodes intrusives des services de renseignement à l’encontre de la vie privée de chacun d’entre nous. C’est alors qu’il devient, en quelques heures, l’un des plus célèbres lanceurs d’alerte de l’histoire récente.

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A partir de sa seconde moitié le film s’attarde sur les révélations et leur impact planétaire, tant au niveau politique que médiatique. On voit alors Snowden aider les journalistes à se protéger lors de l’échange ou du transport de leurs données, puis vient la diffusion des premiers articles et la suite d’une semaine folle. Quelques jours plus tard, le 10 juin 2013, une interview d’Edward Snowden était diffusé, le 21 juin il était inculpé par les autorités américaines, et cherchait alors une terre d’asile, avec la suite que l’on connaît.

On assistera à la destruction, le 20 juillet 2013, des supports contenant les données concernant le GCHQ, dans les sous-sols du Guardian. Le journal de Glenn Greenwald à l’origine des premières révélations avait en effet subit des pressions de la part du gouvernement britannique. Mais ce n’était alors que le début. Une façon pour nous de revivre ces évènements qui pouvaient alors nous sembler lointains, et dont tout le monde ne saisissait pas forcément l’importance. Une façon de nous faire comprendre, que nous vivions à ce moment-là des jours historiques tant dans le monde de la presse et de l’information, que de notre relation à la démocratie, aux états ou même au numérique dans son ensemble.

Edward Snowden qui échange avec un journaliste

Mais la véritable force de ce documentaire, c’est qu’il ne cherche pas à s’en construire une. Il n’y a pas de scénario, de mise en scène poussée, ou de tentative de convaincre le spectateur que de tels choix sont les bons ou sont faciles à faire. Il raconte juste ce qu’il se passe, une fois la machine enclenchée : le combat des journalistes, et de comment s’organise la protection d’un lanceur d’alerte, qui, cherchant à informer les citoyens de son pays et à leur faire prendre conscience de ce qu’il se passe dans leur pays, se retrouve accusé et recherché par leurs représentants.

De ce fait et grâce aux images tournées à l’époque, des documents dont on dispose rarement dans un cas pareil, on se retrouve bien loin d’un spectacle scénarisé à l’américaine, d’une série comme Person of interest qui évoque le sujet de la surveillance globale en la critiquant, lorsqu’elle est entre de mauvaises mains, comme pour mieux nous faire accepter l’idée de son utilité lorsqu’elle est dans le camp « des gentils ». Un peu à la manière dont 24 heures chrono pouvait tenter de nous faire croire que la torture était une nécessité, tant qu’elle était administrée par Jack Bauer. 

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Citizenfour nous raconte seulement les choses de manière telle qu’elles se sont passées selon Laura Poitras. Et à travers les différentes interventions de Glen Greenwald ou les échanges avec Edward Snowden, tout le travail entrepris suite aux premières révélations pour faire prendre conscience au monde, à travers différents pays et même le Parlement européen, de l’ampleur de la surveillance dont il est l’objet. Non pas seulement à travers des métadonnées croisées ici et là, mais bien à travers l’écoute et l’enregistrement des communications à l’échelon planétaire. Le tout avec l’aide de différentes agences et de différents États, ainsi que des sociétés qui fournissent aussi bien des services de communications, que les géants du web.

Mais finalement, c’est avec un sentiment de déception que l’on quitte nos protagonistes. Celle donnée par l’impression que, finalement, dix ans après après les premières révélations d’Edward Snowden rien n’a changé. La surveillance perdure. Chaque semaine, de nouvelles informations nous indiquent que tout continue comme si de rien n’était et les découvertes de failles existant depuis des années s’accumulent.

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Et en fin de comptes, si Citizenfour nous permet de mieux comprendre tout ce qu’il s’est passé il y a près de dix ans, et de mieux appréhender les informations telles que nous les découvrons encore chaque jour, ce documentaire nous fait comprendre une chose : finalement, le seul citoyen qui compte, c’est nous. Les choix que nous faisons à titre individuel, ceux que nous faisons vis-à-vis de notre démocratie, et ceux que nous faisons pour défendre, à notre niveau ou de manière collective, nos droits et ceux de chacun de nous. Protéger et renforcer les droits et la défense de ceux qui veulent nous informer, se battre pour que des principes fondamentaux ainsi que nos libertés puissent continuer d’exister, voilà ce qui devrait nous animer. Et sorti de Citizenfour, de retour à la réalité, on ne peut constater que cela n’est pas encore le cas. Mais avec un peu de chance, peut-être que comme l’espérait Edward Snowden, son cas servira d’exemple. Que de nombreux autres lanceurs d’alertes prendront le relais et que les défenseurs de la vie privée se feront de plus en plus nombreux pour s’opposer à la surveillance de masse… qui sait ?

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Succès énorme, le film remporte plus de 15 prix dont l’oscar du meilleur film documentaire en 2015. Citizenfour est disponible à l’achat ou à la location  sur Canal+VOD

À consulter également sur le site : La Taupe, quand un homme infiltre la dictature la plus opaque

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