Les enjeux géopolitiques de la souveraineté numérique

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“Les enjeux géopolitiques et la souveraineté numérique” est le titre d’une conférence organisée par Le Vent Se Lève (LVSL) en partenariat avec le Think tank l’Institut Rousseau et Le Portail de l’intelligence économique. Elle a eu lieu le samedi 15 janvier 2022 à l’Université Panthéon-Assas. 

Le Vent Se Lève (LVSL) est un média d’opinion français créé le 5 décembre 2016 par Antoine Cargoet et Lenny Benbara. Membre du Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne, LVSL est présent sur les réseaux sociaux et se structure autour de cercles locaux présents dans une vingtaine de villes en France, avec au total plus de 500 contributeurs réguliers ou occasionnels. 

Cette conférence a été modérée par le doctorant en littérature comparée, chercheur invité IIAC/EHESS et directeur de la rubrique Idées du Vent Se Lève Simon Woillet, avec l’intervention de différents experts : 

Comment définir dans notre monde d’aujourd’hui la question de la souveraineté numérique et quels enjeux généraux recouvre-t-elle ?  

Au cours de cette conférence, plusieurs positions différentes ont émergé, mais avec des approches complémentaires.

En commençant par Ophélie Coelho qui met en évidence la problématique actuelle  des puissances comme les GAFAM ou Big Tech qui ont trop de pouvoirs en raison de leur importance dans le domaine infrastructurelle. 

Elle définit également la Big Tech à travers le sociologue français Marcel Mauss, “la Big Tech est un fait social total qui a aujourd’hui une influence sur nos sociétés, mais également nos politiques et notre souveraineté numérique”. 

Tariq Krim poursuit la même idée en ajoutant que la pandémie nous a obligé à vivre dans le monde numérique des Big Tech, qui peut-être assez “toxique” pour les individus. Alors, la problématique du numérique est dans les débats depuis maintenant 2 ans. En effet, dans le monde numérique comme dans d’autres secteurs, nous sommes soumis à une interdépendance au niveau mondiale. 

Clothilde Bomont a donc cherché à comprendre l’évolution, les limites, logiques et intérêts derrière cette évolution de la mission de souveraineté numérique. 

Jean-Paul Smets souligne que le premier problème de la souveraineté numérique est dû à un problème de matériels, par exemple la création de microprocesseur dans laquelle la France n’est pas souveraine en raison des contraintes juridiques. 

En deuxième partie de la conférence, Ophélie Coelho définit le « cloud de confiance » et souligne cette extrême dépendance aux géants numériques comme Google, Amazon, Apple et Meta (anciennement Facebook) qui gèrent des données colossales en plus de celles des partenaires, on appellera cela le  “cloud”, une concentration de données. Alors, est mise en évidence la question du rapport de l’Etat face à cet internet monopolistique avec à la fois la démocratie qui est déstabilisée par ces Big Tech et la question de protection des infrastructures vitales. 

Rien ne semble échapper à la prédation des géants numériques américains : 

Au fur et à mesure de la transformation numérique de nos sociétés, le cloud est devenu un des éléments majeurs de nos services numériques. Or, le gouvernement a actuellement une conception défaitiste et dangereuse du « cloud de confiance« , et a par ailleurs annoncé en mai 2021 la mise en place d’une stratégie nationale du cloud.

En effet, le Cloud représente trois enjeux majeurs pour la France : 

  • la transformation des entreprises ;
  • la transformation des administrations ;
  • la souveraineté numérique ;
  • et la compétitivité économique.

Tariq Krim va ensuite démontrer que les Français ne sont “ pas en retard” par rapport aux Etats-Unis et l’Asie, les Français ont du savoir-faire, mais il n’y a jamais eu de stratégies numériques instaurées par les anciens gouvernements et le gouvernement présent. 

Alors, au cours de cette conférence ont été proposées plusieurs recommandations :

  • Développer un modèle national et/ou européen de régulation et juridique-économique au soutien numérique dans le but de mettre à jour ou et renforcer un cadre législatif et réglementaire autours de l’économie numérique
  • Développer des infrastructures françaises et européennes avec des ingénieurs et des savoir-faire.

Il s’agit aussi d’un modèle propice à l’équilibre, car l’Etat a beaucoup d’écoles en ingénierie et autres domaines de très bons niveaux également, ainsi qu’une capacité de financement d’entreprises et donc possibilité de construire un modèle stable. 

Il ne s’agit plus d’une question technique dans ce cas, mais d’une question dite de “cohérence politique”. 

Pour conclure, grâce à cette conférence, nous comprenons que la souveraineté numérique se définit par l’intérêt de l’Etat souverain à ses dépendances numériques, son habileté à les mesurer et les rééquilibrer lorsqu’elles deviennent critiques. Cela passe par la maîtrise des technologies plutôt qu’une simple régulation. 

Il est désormais clair que la lutte pour l’indépendance numérique engage l’avenir industriel, démocratique et géopolitique du pays. Et, les multiples débats et colloques actuels permettent la construction d’une culture offensive autours de la réindustrialisation et de la souveraineté économique de la France.

En effet, la vision réaliste et experte des intervenants durant cette conférence nous aura permis de sortir des préjugés sur « l’impuissance » des acteurs français et européens du numérique. Et, aura encouragé une nouvelle mobilisation, celle de la souveraineté numérique de la France et de ses institutions critiques. 

Pour aller plus loin, consultez les éléments autour de la conférence «Construire la souveraineté numérique de l’Europe » organisée par le gouvernement dans le cadre de la Présidence française de l’Union européenne ces lundi 7 et mardi 8 février 2022 à Paris.

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